Psychothérapie de l’enfant: importance du bilan

psychothérapie

Nécessité du bilan cognitif pour débuter une psychothérapie de l’enfant

 

Les motifs de consultations en psychothérapie de l’enfant en cabinet libéral sont larges et variés. Il peut s’agir de mal-être, d’opposition, d’énurésie, de troubles du comportement, de difficultés à l’école, etc. Commence alors pour le psychologue la lourde tâche de ce qu’on appelle dans le jargon « l’analyse de la demande ». Et bien souvent,  comme les trains, une demande peut en cacher une autre…

 

Difficulté de l’analyse de la demande

Le psychologue débute alors une véritable investigation pour essayer de comprendre ce qui amène la famille en psychothérapie, en s’efforçant d’être le plus « neutre » possible pour ne pas se laisser influencer dans notre réflexion par le discours de la famille ou par nos propres appuient théoriques. Cependant, cela est loin d’être simple et cette étape si importante pour la suite de la psychothérapie comporte de nombreux biais qui risquent d’influencer la psychothérapie même. Et c’est justement parce que cette étape d’investigation et de constructions d’hypothèses sur le fonctionnement psychologique de l’enfant est très complexe que de nombreuses personnes font la malheureuse expérience d’avoir des avis différents en changeant de psychologue. Or, si l’hypothèse de départ est erronée, le travail de psychothérapie risque d’être inefficace.

Il faut bien comprendre cependant que de garder une véritable neutralité est totalement impossible. En effet, commençons déjà par discuter du discours de la famille. Celle-ci évoque des situations avec son propre regard, raconte des expériences vécues difficiles, et le simple fait que l’expérience fût émotionnellement difficile va modifier leur propre perception. Il n’est d’ailleurs pas rare que les parents se contredisent lorsqu’ils évoquent une situation car ils n’ont pas le même vécu subjectif. Ou alors, certaines familles arrivent déjà avec un diagnostic. Soit celui-ci a été posé par eux-même, soit par un intervenant extérieur (professeur, médecin, éducateur, psychologue, orthophoniste…). Il est par exemple fréquent en ce moment (car à la mode?) de voir venir en consultation une famille en expliquant que le petit dernier souffre d’un trouble de l’attention car il est tout le temps agité, qu’il n’écoute pas ce qu’on lui dit, qu’il s’énerve… Le psychologue doit alors sélectionner l’ensemble des éléments pertinents, en s’appuyant sur tous les éléments qu’il recueille (discours, comportement…) pour se construire ses propres hypothèses diagnostiques et doit parfois également se délester de certains jugements ou anecdotes qui pourraient venir perturber son raisonnement.

Venons maintenant à discuter des biais des psychologues même. En effet, chaque psychologue est différent, avant tout humain, et on a tous une formation unique car parallèlement à la formation universitaire qui sera assez similaire d’une université à l’autre, le psychologue est formé sur le terrain, c’est-à-dire sur les lieux de stage qu’il arrive à trouver tout au long de son cursus (Et dieu sait que c’est compliqué!). Ainsi, notre formation de psychologue va être intrinsèquement lié aux expériences, aux maîtres de stage et au courant théorique de ceux-ci. Par exemple, un jeune étudiant stagiaire en psychiatrie adulte sera formé aux outils spécifiques à cette population, alors que son camarade stagiaire en oncologie infantile sera davantage formé à la clinique des enfants malades. A cela s’ajoute les expériences personnelles de chacun et l’appuie sur les théories qui vont davantage faire sens que d’autres. Un même diplôme de psychologue clinicien apporte donc un socle de compétence commun à chaque psychologue. Or, le même diplôme ne donne pas naissance au même professionnel. Donc, pour en revenir à notre consultation en psychothérapie de l’enfant, le psychologue doit également se dégager des biais cognitifs dont il pourrait être victime, et notamment de l’effet de halo. L’effet de halo est un distorsion cognitive qui amène à ne retenir que certaines informations qui vont confirmer la première impression. Il est alors aisé pour le psychologue de négliger certains éléments ou d’accorder davantage de crédits à d’autres.

 

Importance de l’objectivité

Alors, pour tenter de garde le plus de neutralité et d’objectivité possible dans cette exploration d’une situation, le psychologue peut s’appuyer sur ses outils propres, à savoir les tests psychologiques et psychométriques. L’usage de ces tests, et notamment les tests d’évaluation intellectuelle, a été décrié pendant de nombreuses années car d’après ses détracteurs, cela stigmatise, ça met l’enfant dans une case et celui-ci et la famille peine à en sortir… Soit!

Cela peut effectivement être le cas si on reste centré sur les données chiffrées, sur le classement parmi la population de référence, etc. Or, l’intérêt premier d’un tel outil, il me semble, et de pouvoir avoir des éléments neutres sur lesquels s’appuyer pour étayer, valider ou infirmer une hypothèse, et ainsi ne pas passer à côté d’un fonctionnement important. Par exemple, tout le monde parle maintenant des troubles des apprentissages et du développement, les fameux « dys ». La détection de ces troubles est de plus en plus fréquentes, et les professionnels connaissent bien les difficultés d’ordre psychique qui vont découler de ses troubles (ce qu’on appelle dans le jargon psy « la comorbidité »). Par contre, l’inverse est moins fréquent et il n’est malheureusement pas rare de passer à côté d’un trouble des apprentissages en se focalisant sur le trouble psychologique.

 

Cas clinique

Je m’appuierais pour étayer ma réflexion sur ce cas clinique de ce jeune homme de 21 ans qui vient consulter en psychothérapie pour une phobie scolaire ayant débuté en fin de primaire. Ce jeune homme et sa famille ont pris les choses très au sérieux et celui-ci a pu bénéficié de plusieurs psychothérapies avec des psychologues et psychothérapeutes différents (psychothérapie analytique, psychothérapie psychodynamique et EMDR). Ces prises en charge ont permis parfois une amélioration des symptômes. La classe de Seconde s’est très bien passé, mais la phobie est réapparu de plus belle début Première. Malgré tout, il réussi sa scolarité et obtient son Bac. Après une première année inscrit à l’université où il n’a pas pu investir sa formation, il se retrouve maintenant dans une situation complexe pour envisager la suite de ses études… Il a perdu confiance en lui-même et doute de ses capacités. Les angoisses sont tellement envahissantes qu’il n’arrive pas à se concentrer lorsqu’il est en cours. Il en vient à ne plus savoir s’il peut y arriver, et de manière ambivalente, il aime apprendre et est porté par le désir de « faire quelque chose d’intéressant de sa vie ».

Un bilan cognitif, à visée psychothérapeutique, lui ait proposé avec un double objectif: travailler sur l’estime de soi et vérifier qu’il n’y ait pas un trouble cognitif qui vienne parasité la prise en charge.

Le résultat du bilan est sans équivoque, ce jeune homme présente un trouble neuro-visuel qui amènera par la suite à un diagnostic de dyspraxie et à une prise en charge en orthoptie, sur un fond de haute potentialité intellectuelle. La psychothérapie prend alors une autre tournure et les nouveaux éléments sur son fonctionnement cognitif vont lui permettre d’avoir une nouvelle lecture de son histoire.

On est donc ici dans un cas typique où la psychothérapie s’est centrée sur les symptômes évidents, sans envisager que cette phobie pouvait être associée à un trouble du développement. Sans l’usage d’un test d’efficience intellectuelle, la détection du trouble cognitif aurait été impossible. Il me semble alors que le bénéfice est ainsi plus important que le risque.

 

Pour l’usage judicieux des tests

L’exemple de ce cas clinique est malheureusement loin d’être rare. Ce n’est cependant pas évident de proposer un bilan cognitif ou un bilan psychologique complet à une famille avec une demande initiale de psychothérapie pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le coût du bilan peut être un frein à cette démarche: les tarifs des bilans peuvent évoluer de 150 à 400€ en fonction du professionnel et du type de tests utilisés. Puis, les familles sont souvent réticentes, les tests peuvent être encore mal perçus dans la population générale. Enfin, le bilan cognitif peut parfois, lorsque les résultats sont totalement dans les normes, s’avérer « inutile » dans le sens où il n’apporte pas d’éléments nouveaux à prendre en considération dans la psychothérapie. Il permet cependant d’infirmer l’hypothèse d’un trouble cognitif associé à des symptômes plutôt émotionnels ou affectifs.

Je terminerais donc mon propos sur l’importance d’utiliser à bon escient nos outils, nos tests psychométriques, afin de respecter une démarche scientifique dans l’évaluation psychologique, et par ce fait de maximiser l’efficacité de la psychothérapie.